Apprendre à renoncer !

18 févr. 2019
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Apprendre à renoncer !

Cette journée s’annonce intéressante. Pour eux comme pour moi. La veille, une bonne chute de neige ventée a posé une vingtaine de centimètres. Vingt centimètres, ce n’est rien, mais une fois transportée, la couche de neige nouvelle peut tripler ! Le bulletin d’estimation des risques d’avalanches est comme une réponse de normand à une question pourtant cruciale : où pouvons nous skier en sécurité ?!

Et puis, cette journée annonce le début d’un long anticyclone après une période perturbée. Incontestablement, nous allons faire du bon ski !

Mais a priori, le but premier de cette matinée est ailleurs : essayer de construire des outils pour analyser plus finement le manteau neigeux, et savoir prendre de bonnes décisions circonstancées. Des décisions qui ne sont ni un parapluie permanent, car sinon on ne ski jamais au coeur de l’hiver dans des pentes supérieures à 30°, ni déraisonnables.

 

Roland et Anne passent me récupérer à Annecy. La veille, je leur ai seulement donné l’indication qu’on irait vers le Chinaillon, en les invitant à imaginer quelle course nous pourrions faire. Dans la voiture, nous discutons BERA, puis choix d’itinéraire. Nous avions imaginé la même chose : l’Aiguille Verte. Idéal pour une demi-journée (600m de dénivelée), des pentes qui potentiellement ne dépassent jamais le 30°, mais des pentes également plus raides qui peuvent nous surplomber ou que l’on peut emprunter à la descente, et un potentiel plan B non risqué, le Roc des Tours.

 

La neige est légère ce matin. Au parking, il n’y a guère plus de 10cm, non ventée. Mais déjà, dans une contre-pente que je me suis empressée de titiller, une petite plaque s’est détachée sous mes skis, et sans prière !

 

À la montée, des pentes raides nous surplombent. Nous évoquons donc les subtilités à prendre en compte lorsque l’on fait la première trace, pour que celle-ci soit la moins expo possible.

 

Nous arrivons à proximité du col qui sépare l’Aiguille Verte du Roc des Tours. Une petite pente un peu plus raide nous invite à prendre des distances. Puis, nous nous trouvons face à un point de décision : se diriger vers les pentes douces du Roc des Tours, ou prendre l’arête effilée qui monte à l’Aiguille Verte.

 

En attendant de prendre la décision, une petite coupe du manteau neigeux nous confirme ce qui était écrit dans le bulletin d’estimation des risques d’avalanche. La couche tombée la veille, ventée, s’est transformée en plaque et glisse sur la couche précédente. Plus profond aussi, il y a une fine couche de bille sur une couche de regel. Une couche fragile.

Nous décidons de monter tout de même, en restant le plus possible sur l’arête.

Juste sous le sommet, alors que la pente se redresse, je décide de nous arrêter là. Apprendre à jouer avec la neige, c’est aussi apprendre à renoncer.

Une nouvelle coupe de neige, sur le versant sud cette fois ci leur permet de voir ce qu’est le fameux gobelet, ces petits cristaux de glace qui n’ont entre eux aucune consistance, et qui piègent les pentes, notamment lors d’hivers froids et peu enneigés.

 

Mais l’absence de sommet sera vite oublié par les beaux virages effectués dans une légère poudreuse !

Yann Borgnet